Scientifique
20/12/17
Oncologie pédiatrique : quelle prise en charge ?
L’oncologie pédiatrique représente aujourd'hui peu de patients dans l’ensemble de l’oncologie mais se caractérise par une « hausse considérable des taux de survie », pour reprendre les termes de l’Institut national du cancer (INCa). Les progrès en matière de prise en charge sont en effet réels, même s’il est nécessaire de poursuivre la recherche, notamment pour certains types de cancers.
Une maladie rare
Le cancer chez l’enfant représente, en France, 1 à 2 % de l’ensemble des cancers. « Chaque année, entre 2 000 et 2 500 nouveaux cas sont recensés chez les enfants et adolescents de moins de 18 ans. Ces chiffres sont relativement stables ces dernières années », détaille Jean-Pierre Vannier, professeur des universités - praticien hospitalier (PU-PH) au sein du service d’immuno-hémato-oncologie pédiatrique du CHU de Rouen (1). Au total, 1 enfant sur 400 à 600 est touché par un cancer. « Grâce aux progrès réalisés, les deux tiers d’entre eux guérissent », complète-t-il.
Une pluralité de cancers
Certaines formes de cancers sont spécifiques à l'enfant et, inversement, la plupart des cancers de l’adulte n’existent pas chez l’enfant. « Il existe, globalement, trois grands groupes de cancer chez l’enfant », explique Guillaume Bergthold, pédiatre oncologue chez Roche, attaché au CHU de Strasbourg (2) :
> Les hémopathies (leucémies, lymphomes…).
Elles représentent 40 % des cancers de l’enfant et sont « extrêmement bien pris en charge, la survie globale pour les leucémies les plus classiques et les plus fréquentes dépassant 90 % à plus de 5 ans ».
> Les tumeurs du cerveau et du système nerveux central.
Elles concernent environ 25 % des tumeurs pédiatriques. « Certaines tumeurs, les plus fréquentes, sont de bon pronostic (gliome de bas grade). D’autres sont particulièrement agressives, comme le gliome infiltrant du tronc cérébral, pour lequel la survie moyenne est de 9 mois », explique le Dr Bergthold.
> Les autres tumeurs solides : neuroblastomes (8 %), sarcomes des tissus mous (6,5 %), tumeurs rénales (6 %), tumeurs malignes osseuses (4,5 %), tumeurs germinales malignes (3,5 %), mélanomes (3 %), rétinoblastomes (3 %) et tumeurs hépatiques (1 %).
Une prise en charge spécifique
Diagnostic. « Le diagnostic d’un cancer chez l’enfant est plus délicat que chez l’adulte, explique Jean-Pierre Vannier. En effet, la plainte est différente, surtout quand l’enfant est très jeune. Il faut pouvoir repérer certains signes et distinguer ce qui est banal de ce qui peut être dangereux. D’où l’importance d’une prise en charge par des équipes bien formées. En outre, la plainte n’est pas nécessairement écoutée de la même façon chez l’enfant que chez l’adulte, car il y a une certaine peur, voire un déni du diagnostic possible de la part des parents, voire des soignants. » L’approche diagnostique doit, en outre, être méticuleuse et la moins agressive possible.
Thérapie
« La stratégie thérapeutique doit être la moins délétère et la plus esthétique possible et prendre en considération la croissance de l’enfant, que la radiothérapie peut affecter, poursuit le professeur Vannier. Le champ de l’irradiation doit ainsi être parfaitement circonscrit et dosé. » Cette stratégie implique une discussion étroite entre spécialistes : pédiatre oncologue, radiothérapeute, chimiothérapeute, chirurgien, pharmacien hospitalier, généticien le cas échéant… Elle s’inscrit également dans un environnement particulier dans le cadre duquel « les professionnels de santé, l’école, la famille, les amis, l’assistante sociale, le psychologue et les associations de parents jouent un rôle crucial », ajoute le professeur.
Le rôle fondamental du pharmacien hospitalier
« Les pharmaciens hospitaliers font partie intégrante de l’équipe d’oncologie et d’hématologie pédiatrique, rappelle Guillaume Bergthold. Ils sont les garants de la qualité et du contrôle de la qualité de la chimiothérapie. » Ayant une connaissance fine du protocole de chaque patient comme des études cliniques en cours et de leurs spécificités, ils sont en contact régulier avec le pédiatre oncologue. « Ils ont également un rôle de conseil précieux lors de la recherche des traitements annexes adéquats, de type antibiotiques, antifongiques ou encore antalgiques », estime-t-il.
Oncologie pédiatrique : où en est la France ?
- Médecine personnalisée. « En France, du point de vue clinique, la prise en charge du cancer chez l’enfant est à la pointe ; nous avons un système de soins très performant, avec des équipes très bien formées », note Guillaume Bergthold. Parmi les grandes avancées de ces dernières décennies : « les progrès extraordinaires de l’imagerie, qui ont permis d’affiner les diagnostics, de manière de plus en plus précoce », estime Jean-Pierre Vannier, mais aussi la meilleure prise en charge de la douleur et la meilleure prise en charge des jeunes patients dans leur globalité. « Les protocoles thérapeutiques mis en place, qui incorporent des stratégiques thérapeutiques raffinées, prennent en compte le bien-être et le confort de l’enfant hospitalisé », détaille le professeur du CHU de Rouen. En outre, « le développement des moyens immunologiques et génétiques » mais aussi « de la biologie moléculaire » ces dix dernières années ont amélioré la caractérisation de tumeurs et ont permis l’essor de la médecine personnalisée, complète-t-il.
- Recherche. « Du point de vue de la recherche, il y a cependant encore des efforts à faire, même si le plan Cancer 3 et les travaux de l’INCa, qui donnent une priorité au cancer chez l’enfant, permettent de faire évoluer la situation, conclut Guillaume Bergthold. La France reste un peu à la traîne, notamment par rapport aux États-Unis et à l’Allemagne. Des moyens supplémentaires sont nécessaires. »
- Prise en charge. Il existe aujourd’hui 47 services, unités voire établissements spécialisés répartis dans toute la France qui prennent en charge les enfants et les adolescents. Un Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (iHoPe) a vu le jour en 2008, à Lyon.
- Formation. Cette spécialité fait désormais l’objet d’enseignements et de diplômes spécifiques, tels que le diplôme inter-universitaire (DIU) d'oncologie pédiatrique.
Essais cliniques en pédiatrie : espoirs et obstacles
« Par leurs caractéristiques biologiques et histopathologiques, leur comportement et développement propres, les cancers de l’enfant diffèrent de ceux de l’adulte et nécessitent des traitements adaptés », insiste Guillaume Bergthold, pour qui la simple transposition chez l’enfant des résultats cliniques obtenus chez l’adulte n’est « pas acceptable ». Selon lui, « des essais cliniques spécifiquement adaptés à la maturité physiologique de l’enfant sont indispensables ».
Or les cancers sont rares chez l’enfant. « C’est à la fois une chance et un défi pour les professionnels de santé et les chercheurs, explique le pédiatre oncologue. Malgré les efforts de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour organiser et structurer la recherche en Europe, la réalisation d’études cliniques en trois phases pour permettre la mise sur le marché de nouveaux traitements médicamenteux pour lutter contre le cancer de l’enfant peut prendre plus de dix ans, contre deux à trois ans pour le cancer de l’adulte et ce, pour des raisons épidémiologiques ».
(1) Jean-Pierre Vannier est l’auteur de l’article « Les enjeux éthiques en oncologie pédiatrique », paru au sein de l’ouvrage « Traité de bioéthique [Tome II] – Soigner la personne, évolution, innovations thérapeutiques », de Emmanuel Hirsch.
(2) Guillaume Bergthold est membre de l’« Innovative pediatric oncology drug development » (iPODD), plateforme créée par Roche pour le développement de protocoles thérapeutiques chez l’enfant atteint d’un cancer.
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