PharmaSEP
11/07/18
ETP et SEP : une approche pluridisciplinaire centrée sur le vécu du patient
L’atelier consacré à l’Éducation thérapeutique des patients (ETP) atteints de sclérose en plaques (SEP) a permis de faire un rappel clair sur l’apport de tels programmes pour les patients et les soignants. L’intervention croisée d’un neurologue, le Dr Claude Mekies, et d’une patiente experte, Anne-Alexandrine Briand, a permis de donner une dimension à la fois globale et très concrète à l’usage de l’ETP. Il a également permis de voir combien les pharmaciens hospitaliers avaient leur rôle à jouer, le questionnement des patients sur les traitements étant très présent.
L’ETP, un programme très pertinent dans le cas de la SEP
« L’ETP est un processus continu d'acquisition de savoirs et de compétences, dont le but est d’améliorer l’autonomie et la qualité de vie des patients atteints d’une maladie chronique », a résumé, en préambule, le Dr Claude Mekies, neurologue à Toulouse (voir son interview). Elle a un intérêt particulier dans la prise en charge de la sclérose en plaques.
En effet, la SEP est « une maladie chronique complexe avec une symptomatologie polymorphe », a-t-il pointé. C’est aussi une maladie évolutive. Pour rappel, la SEP est une maladie du système nerveux central qui se traduit par des lésions à l’origine de troubles (moteurs, sensitifs, de la vue, de l’équilibre…). Les « poussées » sont les symptômes liés à l’apparition successive de nouvelles lésions ou à l’aggravation de lésions déjà présentes. « L’objectif est donc de définir avec le patient la problématique la plus importante pour lui à un moment donné, comme la douleur ou la fatigue, et d’identifier, dans le cadre de l’ETP, des solutions et des ressources pour y remédier », a expliqué le neurologue.
« L’ETP est un processus continu d'acquisition de savoirs et de compétences, dont le but est d’améliorer l’autonomie et la qualité de vie des patients atteints d’une maladie chronique »
Dr Claude Mekies
Les patients et leur vécu de la maladie au cœur du dispositif
L’ETP permet une prise en charge pluridisciplinaire (neurologue, infirmier, kinésithérapeute, psychologue, pharmacien… de la pathologie). Elle permet également d’aider les patients à faire face à la spécificité de leur traitement, dans leur forme orale ou injectable, de « faire en sorte qu’ils restent dans une filière de soins » et, enfin, de leur donner la possibilité d’être « acteurs de leur traitement », a souligné le Dr Mekies.
C’est ce qui en fait un dispositif efficace, de l’avis d’Anne-Alexandrine Briand, diagnostiquée d’une SEP à 20 ans, en octobre 2006. « En 2009, j’ai eu une séance d’ETP pure pour m'apprendre à m’administrer mon traitement sous-cutané, a-t-elle expliqué lors de l’atelier. Puis, j’ai suivi des séances d’éducation thérapeutique en individuel avec un infirmier référent. Ces séances m’ont permis de comprendre cette maladie complètement imprévisible. »
« Jusque-là, je faisais beaucoup de poussées sensitives, mais je n’allais pas pour autant à l'hôpital, a évoqué Anne-Alexandrine Briand. Je me disais que c'était dans ma tête. Un jour, j’en ai parlé, mais on ne m’a pas pour autant expliqué qu’il fallait faire attention et ne pas laisser passer ces symptômes. Les séances d’ETP m’ont donc permis de savoir comment fonctionne la maladie et comment reconnaître les poussées. Elles m’ont aussi permis d'avoir un véritable intérêt pour les traitements qu'on me propose et de prendre mes décisions en toute connaissance de leurs bénéfices et risques. »
« Jusque-là, je faisais beaucoup de poussées sensitives, mais je n’allais pas pour autant à l'hôpital. »
Anne-Alexandrine Briand
Un renforcement des liens de confiance entre patients et soignants
Grâce aux séances d’ETP, Anne-Alexandrine Briand a également pu « créer un lien de confiance » avec son équipe de soignants. De quoi réduire le stress lié à la maladie. « Si j'ai un doute sur le fait que je fais une poussée, je peux appeler mon infirmier référent, en parler avec lui qui en parlera avec l’équipe de soignants, dont le neurologue, pour confirmer ou non la poussée », a-t-elle expliqué.
L’ETP a « clairement amélioré mon estime de moi », a-t-elle également témoigné. Elle a réalisé qu’elle avait les ressources en elle pour gérer sa maladie. En outre, elle a reçu un soutien motivationnel, une écoute et des conseils. Ceux-ci peuvent être variés : suivre une psychothérapie, reprendre la kinésithérapie, faire du sport… « L'éducation thérapeutique m’a aidée à vivre avec la maladie et à me sentir avant tout comme une personne et non plus comme une malade », a-t-elle synthétisé.
Ce vécu l’a d’ailleurs incitée, en 2014, à suivre une « formation de 80 heures sur une année » au sein de la ligue française contre la SEP (LFSEP) pour devenir patiente experte. En 2017, elle a complété son parcours par une formation de 40 heures – obligatoire – pour animer des ateliers d’ETP 1.
Des programmes mixant ateliers collectifs et approche individuelle
« Les programmes d’ETP proposent, en général, des ateliers collectifs et individuels », a souligné Marie-Antoinette Lester, pharmacienne au CHU de Rennes. « Il est proposé au moins un an après l'annonce de la maladie, voire un peu avant si, vraiment, le patient exprime le souhait de confronter sa pathologie et ce qu’il ressent avec d’autres patients », a expliqué Catherine Melin, pharmacienne au sein du CH de Périgueux, où un programme d'éducation thérapeutique pour les patients atteints de SEP est fonctionnel depuis bientôt trois ans.
« Après l’annonce de la maladie et avant la première consultation médicale de suivi, l’infirmière référente en ETP voit le patient pendant 30 minutes et prend des notes qu’elle transmettra au neurologue, a-t-elle exposé. Au cours de cet entretien, le patient peut parler de sa maladie, de son ressenti, de ses soucis. » Ensuite, des ateliers, généralement en groupe de six ou sept, sont organisés le soir pendant une heure et demi ou deux heures.
Au cours de ces ateliers, le programme d’ETP est présenté par le neurologue puis par l'infirmière et le psychologue. Les patients sont invités à parler de leur vécu et les traitements sont présentés. C’est à ce moment que les pharmaciens peuvent intervenir. Un atelier concerne la fatigue, un deuxième est dédié aux proches, au cours duquel des informations sont transmises sur la maladie, l’importance de l'observance du traitement etc. Un troisième réunit les patients et les proches et porte sur le projet de vie.
« L'infirmière référente SEP organise par ailleurs des modules de formation individuel », a détaillé Catherine Melin. Ils s’accompagnent de consultations régulières avec le neurologue tous les six mois.
« L'infirmière référente SEP organise par ailleurs des modules de formation individuel. »
Catherine Melin