Économie de la santé
02/11/16
Démographie des pharmaciens officinaux : moins de pharmaciens libéraux, plus d’associations
Effectif, géographie, année d’installation, cessation d’activité, maillage territorial… Comme chaque année, la publication du rapport « Les pharmaciens – Panorama », donne une photographie en temps réel de l’état des pharmacies en France. Le point sur les officines au 1erjanvier 2016.
Économie de la santé
02/11/16
Démographie des pharmaciens officinaux : moins de pharmaciens libéraux, plus d’associations
Des effectifs en baisse
En 2015, les effectifs des pharmaciens titulaires d’officines ont légèrement baissé, avec 27 120 pharmaciens inscrits à l’Ordre (0,9% de moins qu’en 2014). Ces effectifs, auxquels se rajoutent les pharmaciens adjoints salariés, concernent encore 75 % des professionnels. En outre, estime le rapport, « l’exercice libéral, bien qu’en léger repli démographique […] reste attractif contrairement à celui d’autres professions de santé et se caractérise par la poursuite de la restructuration par concentration des laboratoires de biologie médicale et par le renforcement de l’exercice officinal en association ». Pourtant, l’orientation récente des jeunes diplômés se fait de plus en plus au détriment de la filière officine : en effet, depuis une petite dizaine d’années, ce taux n’a pas cessé de diminuer pour atteindre 30% en 2015.
Une moyenne d’âge élevée
Le secteur libéral est toujours confronté à une moyenne d’âge élevée. En effet, si l’âge moyen reste stable (50,2 ans), on compte désormais 2 347 pharmaciens âgés de 66 ans et plus, soit une hausse de 9,37 % par rapport à 2014. Au total, près de 39,5 % des effectifs ont 56 ans et plus, et le nombre de pharmaciens d’officine (adjoints et titulaires, métropole et DOM) qui atteindront 65 ans devrait fortement augmenter jusqu’en 2021, passant de 597 en 2016 à 1 929. Ce vieillissement de la population devrait néanmoins ralentir aux alentours de 2021 grâce à deux phénomènes : la génération la plus âgée partira à la retraite et des jeunes pharmaciens arriveront plus nombreux en raison de la réévaluation du numerus clausus depuis 2004.
Un maillage territorial de proximité préservé
Avec 35% des officines situées dans des communes de moins de 5000 habitants, le réseau de proximité demeure préservé et ne devrait pas être menacé. Selon le rapport, « en proportion, les nouveaux pharmaciens titulaires s’installent à l’identique dans tous les départements, y compris ruraux ». Le grand Bassin Parisien et les départements limitrophes ainsi que la Moselle et l’Alsace sont toutefois marqués par une faible densité de pharmaciens (moins de 75 pharmaciens pour 100 000 habitants) alors que, dans la moitié Sud, la majorité des départements se trouve au-delà de 85 pharmaciens pour 100 000 habitants. À noter que les jeunes pharmaciens titulaires (moins de 40 ans) privilégient la moitié Nord de la France avec une préférence pour l’Ouest normand. À l’inverse, le Sud-Ouest, le Centre et l’Île-de-France se caractérisent par une moyenne d’âge élevée des titulaires d’officine.
De plus en plus de fermetures d’officines
Les pharmaciens titulaires continuent de préférer les rachats et cessions d’actifs entre officines, ces opérations étant plus faciles et moins onéreuses. L’habilitation de la loi de modernisation de notre système de santé à modifier par ordonnance les règles relatives à l’implantation des officines devrait néanmoins permettre leur assouplissement et contribuer ainsi à améliorer le réseau. Le réseau officinal est aussi marqué par la disparition de nombreuses pharmacies. De 2010 à 2015, la Métropole a perdu près de 800 officines. C’est en Île-de-France que la situation est la plus inquiétante, avec 30% du total des disparitions sur 5 ans, suivi de la région Rhône-Alpes. Pour autant, selon le rapport, « le réseau reste harmonieux sur l’ensemble du territoire. L’accélération en 2015 du nombre de fermetures ne crée donc toujours pas de désert pharmaceutique ».
Interview
« Bien plus qu’un simple “distributeur de médicaments“, le pharmacien sera davantage impliqué dans le parcours de soins »
Pour Alain Delgutte, président du Conseil central de la section des pharmaciens titulaires d’officine, le métier est amené à évoluer, vers toujours plus de service en santé.
Quelles évolutions du métier avez-vous observé ces dernières années ? Quel impact cela a-t-il sur les pharmaciens hospitaliers ?
A.D : Depuis la promulgation de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) » de 2009, nous nous orientons davantage vers un métier de services au patient, avec toujours plus de coordinations, de communications et de liens avec les autres professionnels de santé, notamment grâce au développement des réseaux entre professionnels. Par ailleurs, la consolidation des liens avec l’hôpital nous a permis de renforcer la dispensation de médicaments auparavant réservée à l’usage hospitalier, à savoir les molécules spécifiques ou techniques livrables nécessitant beaucoup plus de temps que des médicaments classiques. Cela a certainement permis de libérer les pharmaciens hospitaliers de la préparation de certains produits, leur permettant de se recentrer sur d’autres missions pointues.
Les relations entre la ville et l’hôpital ont-elles changées ?
A.D : Nous avons toujours eu de bonnes relations. Mais nous sommes désormais couramment appelés par des confrères hospitaliers pour des traitements, et nous le seront de plus en plus, avec le développement prévu du dossier pharmaceutique. Grâce à cet outil, nous aurons accès à la conciliation médicamenteuse prise en charge jusqu’à présent par les pharmaciens hospitaliers. De ce fait, le premier rendez-vous avec les patients s’est considérablement simplifié et, bien évidemment, le bénéfice pour le patient est essentiel : on optimise ainsi le retour au domicile. Ces relations devraient d’ailleurs s’intensifier avec le dossier médical partagé (DMP). S’il fonctionne vraiment, nous pourrons bénéficier de l’historique de tous les médicaments de nos patients.
On observe, ces dernières années, une baisse des effectifs chez les pharmaciens libéraux : pourquoi ?
A.D : En effet, en 2015, une officine a fermé tous les deux jours. La baisse du nombre de pharmaciens titulaires est néanmoins compensée par une augmentation des associations. Cette tendance est la conséquence directe de la situation économique, marquée par des baisses programmées de prix des médicaments dont le but est de faire des économies sur le budget de la sécurité sociale. S’il ne nous appartient pas d’en apprécier l’opportunité, nous devons néanmoins constater que nous en sommes forcément impactés, car 85% de notre chiffre d’affaires provient des médicaments remboursables par la sécurité sociale. Au-delà de la situation économique, la baisse d’effectifs est toutefois aussi due au vieillissement de la population pharmaceutique (pour rappel, la moyenne d’âge est de plus de 50 ans). Beaucoup de pharmaciens n’arrivent plus à vendre leurs officines et retardent leur départ à la retraite ou continuent à travailler pour pouvoir gagner leur vie. Certains ne peuvent d’ailleurs pas se permettre d’arrêter leur exercice, car ils n’ont pas encore obtenu leur retraite à taux plein…
Comment adapter le métier officinal au regard du parcours de soin ?
A.D : Le métier va évoluer. Bien plus qu’un simple « distributeur de médicaments », le pharmacien sera davantage impliqué dans le parcours de soins, car c’est le seul métier de santé présentant un maillage territorial homogène sur tout le territoire. D’ores et déjà, nous parlons de nouvelles missions, comme le pharmacien référent en Ehpad, mais aussi le dépistage et pourquoi pas la vaccination. Bref, il y aura plus de services au bénéfice du patient. Nous allons, pour cela, devoir adapter nos officines, en installant par exemples des espaces de confidentialité individualisés permettant de recevoir les patients afin de réaliser des entretiens pharmaceutiques. Nous le faisons déjà pour l’asthme et les anticoagulants par exemple : nous expliquons aux patients pourquoi tel médicament pose problème, quel est le but du traitement, comment prendre le médicament, quelles sont les contre indications, quelle alimentation privilégier, pourquoi les examens sont nécessaires… Bref il s’agit de faire comprendre et accepter au patient sa maladie et son traitement. Dans les milieux ruraux, ces délégations de tâches permettent aux médecins, souvent surchargés, d’être soulagés de cette tâche informative souvent assez chronophage.
Comment rapprocher son exercice de celui de l’hôpital, dans un contexte de territorialité croissante ?
A.D : Il faut passer d’un modèle hospitalo-centré où tout se faisait à l’hôpital (comme l’ETP, par exemple, réalisée à l’origine gratuitement par des hôpitaux aux services de pointe ultra performants), vers une coopération où les pharmaciens exécuteront des missions au plus près des besoins des patients, dans l’objectif d’améliorer l’offre de soins. L’exercice du pharmacien ne correspondra plus uniquement à la dispensation mais aussi à toutes ces nouvelles missions qui feront de la pharmacie une véritable porte d’entrée dans le milieu sanitaire, dans le respect, bien sûr, de nos compétences et de celles des autres professionnels.
Les pharmacies officinales en chiffres
21 591 officines (-0,8 % par rapport à 2014)
27 120 pharmaciens officinaux inscrits à l’Ordre en 2015 : (-0,95 % par rapport à 2014)
50,2 ans en moyenne (+3,6 par rapport à la moyenne)
181 officines fermées en 2015 (+47% par rapport à 2014)
54,8% de femmes (45,2% d’hommes)
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