Pharmacotechnie
15/10/2020
Sous-traitance des médicaments : une rationalisation des moyens
Quand et pourquoi sous-traite-t-on des médicaments ? Quels sont les préalables à ne pas négliger pour qu’une telle option soit efficiente ? Quelles en sont les limites ? Présentation des principaux enjeux de cette pratique dont la nécessité est incontestable.
La sous-traitance est d’abord une question de rationalisation des moyens afin d’éviter de multiplier le personnel, les équipements, les locaux pour des productions ciblées. « Il ne sert à rien d’avoir sur différents hôpitaux des techniques et des installations si, au final, elles restent très peu utilisées. Pour certaines activités spécialisées, il peut être plus intéressant d’avoir des lieux où le personnel pharmaceutique dispose des capacités de travailler à des niveaux de qualité définis et où les moyens humains, techniques et experts leur permettent de produire pour d’autres. Surtout si ces derniers ont des besoins moindres et qui, s’ils devaient les satisfaire eux-mêmes, seraient contraints de procéder à des investissements importants pour une rentabilité et une valeur ajoutée inexistantes », résume le Professeur Olivier Bourdon, pharmacien chef de service à Paris.
En somme, « il est intéressant de sous-traiter lorsque l’on estime que le risque que l’on prend est plus faible en sous-traitant que celui que l’on prendrait en faisant ». Et ce, quand bien même une sous-traitance peut elle être ponctuelle, régulière, au long cours, porter sur des quantités faibles ou importantes. A noter, toutefois, que pour toute contractualisation, l’établissement délégataire doit posséder en son sein une Pharmacie à usage intérieur (PUI) donc au moins un pharmacien hospitalier.
« La responsabilité, l’enjeu principal »
La décision de recourir à la sous-traitance répond donc à une évaluation préalable du rapport coût-bénéfice. Et ce, au regard de divers critères : les moyens techniques et humains mais également la compétence dont dispose l’établissement, la complexité du produit concerné, la politique de la structure en matière d’affectation de ses locaux et de ses deniers, l’intégration ou non de cette dernière dans une suprastructure, type Groupement hospitalier de territoire, qui rend pertinente une mutualisation de certaines pratiques etc. Car, en ces temps de financements plus que jamais contraints, avec des difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel, les choix comptables qui sont effectués au profit des uns, le sont presque toujours au détriment d’autres services ou activités.
Une fois actée, la sous-traitance impose un formalisme destiné à anticiper les éventuels dysfonctionnements de son déroulé. « L’enjeu principal de la sous-traitance est la responsabilité de chaque pharmacien dans la mesure où le donneur d’ordre reste responsable de la qualité de la préparation et du fait qu’elle réponde aux exigences de la réglementation, insiste le Docteur Marie-Laure Brandely-Piat, pharmacien hospitalier à Paris. C’est pourquoi il est indispensable de figer l’ensemble des dispositions dans le cadre d’une convention qui précise les responsabilités de chacun, les modalités du circuit de dispensation et du transport, la gestion des demandes, le protocole à appliquer en cas de non-conformité etc. » Par ailleurs, un établissement peut être sous-traitant si sa pharmacie est détentrice d’une autorisation relatives aux activités de fabrication de préparations magistrales ou hospitalières conformément au Code de la santé publique (article R 5126-9).
« Veiller à ne pas perdre en compétence »
Si celui qui sous-traite reste le responsable principal, celui qui produit assume, lui aussi, une responsabilité en propre. A cet égard, il n’est d’ailleurs pas anodin que ce soit au directeur de l’établissement sous-traitant de déclarer à l’Agence régionale de santé (ARS) qu’il se trouve dans une relation de sous-traitance et de lui adresser la convention correspondante. En outre, le donneur d’ordre a la possibilité d’auditer son fournisseur afin de s’assurer qu’il est bien en capacité de répondre aux exigences du cahier des charges.
Par essence facilitatrice, la sous-traitance ne doit justement pas inciter à tomber dans la facilité. « C’est une tendance croissante, émergente et pérenne, explique Olivier Bourdon. Néanmoins, l’important, en la matière, est de veiller à ne pas perdre en compétence. » Il est donc indispensable de savoir à qui l’on sous-traite car il est ensuite difficile, pour ne pas dire impossible, de revenir en arrière si l’on a, entre temps, développé un autre projet en lieu et place de ce que l’on a délégué. Avec, à la clef, un écueil fatidique : être dépendant de son fournisseur et perdre la maîtrise des coûts dans le cadre d’un monopole de fait. Au regard de ces difficultés, il est donc nettement préférable, pour les établissements publics hospitaliers et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) de traiter avec des partenaires qui ont le même statut. « Les compétences des internes que l’on forme pour assurer le fonctionnement d’unités de production doivent rester dans le domaine public afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement, tant en termes techniques que comptables », conclut le Professeur Bourdon.
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M-FR-00000581 - Etabli en octobre 2020
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