Pratiques innovantes
21/07/20
La Covid-19 à l’APHM : un test grandeur nature sur la rétrocession en officine
La crise sanitaire du Covid-19 a été l’occasion pour la PUI de l’Hôpital de la Conception de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) de tester un dispositif auquel les pharmaciens réfléchissent depuis plusieurs années : Retrofficine. L’objectif : permettre aux patients de récupérer leur traitement en rétrocession auprès de leur pharmacie d’officine afin d’éviter les déplacements.
« L’initiative de Retrofficine ne date pas de la crise sanitaire Covid-19 : il s’agit d’un projet de longue date », fait savoir le Dr Philippe Monges, pharmacien au sein de la PUI l’Hôpital de la Conception. Au sein de l’APHM, la rétrocession est centralisée au sein de cet établissement situé dans le centre-ville de Marseille. « Nous avons constaté une grande disparité entre les patients dans l’accès à cette rétrocession, car certains peuvent avoir une grande distance à parcourir pour venir chercher tous les mois leurs traitements », poursuit le pharmacien. Une distance qui peut être génératrice de coûts et de fatigue pour ceux qui n’ont pas toujours d’aidants à leur côté. Afin d’éviter les retards dans la prise des traitements voire un renoncement aux soins, les pharmaciens de la PUI ont réfléchi à un dispositif visant à améliorer le parcours du patient tout en renforçant les liens ville-hôpital. Le parcours a été réfléchit et élaboré entre la PUI, les syndicats de pharmaciens d’officine et les grossistes-répartiteurs et doit faire l’objet d’une expérimentation de type « Article 51 ».
Une adaptation face à la crise sanitaire
Pour répondre à la crise sanitaire et éviter le déplacement des patients les plus fragiles à l’hôpital en pleine pandémie, le ministère de la Santé a autorisé les dispositifs dérogatoires permettant d’assurer la continuité des traitements aux patients. Il permet à une PUI de dispenser le traitement et de le mettre à sa disposition dans l’officine choisie par le patient. Pour assurer l’acheminement des médicaments, la PUI fait appel au grossiste-répartiteur désigné par l’officine qui assurera l’enlèvement du traitement à la PUI et son transport jusqu’à l’officine.
Ce dispositif général décrit par le ministère ressemblait beaucoup au dispositif imaginé par la PUI de l’APHM. « Nous avons donc pu déployer très rapidement le projet », rapporte le Dr Monges, précisant que la PUI a décidé de se limiter aux traitements se conservant à température ambiante, c'est-à-dire les médicaments de l’hypertension pulmonaire (HTAP), les chimiothérapies orales et ciblées, les anti-infectieux, les préparations hospitalières...Sont exclues les médicaments stupéfiants et ceux appartenant au double circuit (anti-VHC et anti-VIH).
La réorganisation du parcours
« Sur le site Internet de la rétrocession, nous avons mis en place des documents à destination des pharmaciens d’officine », fait savoir le Dr Monges. Parmi ces documents : la procédure, la liste des médicaments éligibles au dispositif, la fiche de renseignements à remplir par l’officine avec ses coordonnées, celles du patient et celles du grossiste-répartiteur. Lorsque le patient sollicite son officinal pour renouveler son traitement hospitalier, ce dernier adresse par fax ou email la fiche de renseignement et l’ordonnance à la rétrocession, qui les traite dès réception.
Côté PUI, l’organisation du dispositif a nécessité le développement, en interne, d’un logiciel afin de tracer toutes les étapes, de la réception de la demande à la mise en caisse scellée vers les répartiteurs. « Dans le cadre de ce fonctionnement dérogatoire, nous faisons partir les médicaments tous les mardis et jeudis, indique le Dr Monges. Nous avons donc réorganisé notre travail en fonction.» Les préparateurs ou les pharmaciens de la PUI préparent les ordonnances, mettent les traitements en sachets, les ventilent dans les caisses en fonction des quatre grossistes-répartiteurs qui couvrent l’intégralité de la région. Un double contrôle est effectué sur chaque dispensation. Un coursier de la PUI assure une tournée vers ces grossistes qui acheminent les traitements vers les officines. « Le recours aux quatre grossistes-répartiteurs permet potentiellement de diffuser le dispositif vers les 1578 officines de la région et de la Corse et de répondre ainsi aux impératifs de traitements des patients », précise le pharmacien.
La PUI a communiqué sur le dispositif via la cellule de communication de l’APHM, le journal local et directement auprès des patients qui se rendent à la PUI pour la rétrocession. Pour le moment, une quarantaine de patients par semaine en bénéficient et environ 160 officines des Bouches-du-Rhône, de la Corse et du Var sont concernées. « A la rétrocession, nous avons environ 100 patients par jour, ce qui laisse un certaine évolution possible », estime le Dr Monges.
Vers une pérennisation
Le dispositif va fonctionner dans le cadre de l’épidémie Covid-19 jusqu’au 11 juillet mais la PUI souhaiterait le pérenniser. Outre le défi logistique et organisationnel, « nous voulons remplir trois impératifs fondamentaux », fait savoir le Dr Monges :
- Pour que chaque intervenant soit dans son rôle, la PUI rédige une charte de bonnes pratiques, permettant une pérennisation cadrée et partagée du process.
- « Nous estimons également que les professionnels, notamment les officines et les grossistes-répartiteurs, doivent être indemnisés pour leur travail, soutient-il. Dans le cadre du Covid, ils sont bénévoles, mais il leur faut une reconnaissance que nous espérons obtenir dans un premier temps dans le cadre de l’expérimentation Article 51. »
- La PUI souhaite aussi apporter une plus-value au suivi du patient en encadrant la dispensation par une fiche-conseil mise en place courant juin pour les officines. Elle indique les modalités de prise du médicament, de conservation, les effets secondaires, les conseils à donner aux patients pour éviter ou minimiser les effets secondaires. « Du côté de la rétrocession, nous souhaitons instaurer un suivi trimestriel avec le patient, pour garder le lien, souligne le Dr Monges. Cette consultation pharmaceutique aurait lieu par téléphone et serait l’occasion de faire le point sur son traitement, les problématiques qu’il peut rencontrer en termes d’effets secondaires, d’oublis, les traitements associés et recueillir son indice de satisfaction. » Dans un second temps, l’équipe espère pouvoir procéder par téléconsultation.
L’objectif serait également de permettre aux pharmaciens d’officine de monter en compétences car « les traitements hospitaliers sont spécifiques, c’est pour cela que nous voulons intervenir dans leur formation sur les médicaments de rétrocession », conclut le Dr Monges. Le dépôt du projet Article 51 aura lieu courant juin.
« Le dispositif est bien structuré »
Christophe Guidoni, pharmacien d’officine dans le 12e arrondissement de Marseille.
« L’un de mes patients m’a sollicité pour bénéficier du dispositif dérogatoire à la rétrocession de son traitement, j’ai donc pu y participer. J’échange avec les Dr Monges et Darque de l’APHM depuis de nombreuses années sur des projets communs. Nous faisons partie d’un groupe de pharmaciens testeurs, nous travaillons sur la nouvelle pharmacie de demain.
Je n’ai pas participé au montage du projet Rétrofficine, mais j’estime qu’il est la solution pour les patients peu mobiles. La crise sanitaire a permis de le tester et nous avons pu constater qu’il est bien structuré. Pour le moment, en tant que pharmacien d’officine, nous avons principalement un rôle de distributeur. Néanmoins, à partir du moment où nous réceptionnons les médicaments pour les distribuer aux patients, notre responsabilité est engagée.
Dans le cadre du projet Article 51, notre rôle va être plus conséquent car nous allons bénéficier de formations et nous allons pouvoir mener des entretiens pharmaceutiques sur les effets indésirables, vérifier la iatrogénie, faire un retour d’informations aux pharmaciens et aux médecins hospitaliers, anticiper la nécessité de prendre un rendez-vous. Comme nous verrons le patient tous les mois, notre rôle sera bénéfique. Néanmoins, une rémunération de notre travail me semble indispensable. »
M-FR-00000265 Etabli en juin 2020
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