Pratiques innovantes
07/11/17
La transplantation de microbiote fécal : une nouvelle voie thérapeutique qui implique les pharmaciens
La transplantation de microbiote fécal (TMF) connaît, depuis 2013, date de la première étude randomisée, un véritable essor. Forte d’un taux de réussite thérapeutique d’environ 90 % dans le traitement des infections récidivantes à Clostridium difficile, la TMF a été reconnue comme un médicament dont la préparation incombe aux pharmaciens. Une vingtaine d’établissements français seraient d’ores et déjà équipés pour réaliser ces TMF.
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07/11/17
La transplantation de microbiote fécal : une nouvelle voie thérapeutique qui implique les pharmaciens
Un médicament pour lutter contre les formes récidivantes d’infection par Clostridium difficile
Les premiers écrits sur la TMF remontent à la fin des années cinquante. Mais un tournant a été pris au cours des années 2010. Publiée en 2013, la première étude randomisée « a clairement montré la supériorité du traitement par TMF pour les formes récidivantes d’infection par Clostridium difficile comparé au traitement classique », explique le Professeur Nathalie Kapel, chef de service de coprologie fonctionnelle à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Depuis, la TMF, qui consiste à introduire les selles d’un donneur sain dans le tube digestif d’un receveur pour rééquilibrer son microbiote intestinal, a été inscrite dans les recommandations européennes et américaines. Si, dans certains pays, le microbiote fécal est considéré comme un tissu, en France ou aux États-Unis, il s’agit d’un médicament dont la préparation est prise en charge par les pharmaciens.
Les pharmaciens intégrés dans toutes les étapes de la préparation
Le pharmacien peut intervenir dès la décision de TMF mais, plus classiquement, dès le recueil des selles du donneur jusqu’à la libération de la préparation. Dans un premier temps, la sélection du donneur est réalisée sous responsabilité médicale. Elle commence par un questionnaire de santé similaire à celui utilisé pour le don du sang. Le donneur doit faire l’objet d’un examen médical qui valide le contexte clinique. Une batterie d’examens est ensuite réalisée sur le sang et les selles pour vérifier l’absence de pathologie, d’agent pathogène ou d’agent potentiellement pathogène. Dès lors que ces examens sont effectués, les selles du donneur peuvent être recueillies pendant une période ne dépassant pas trois semaines. Lorsque la majorité des résultats d’analyses sont connus, le donneur est convoqué pour procéder aux dons. « Les donneurs sont soumis à des questionnaires très poussés, rapporte Rui Batista, chef du service de Pharmacie des Hôpitaux universitaires Paris Centre. Voyages, prises de médicaments, pratiques sexuelles, pathologies, piercings, tatouages : il nous faut vérifier l’absence d’hépatite, de VIH, de syphilis, de bactéries résistantes etc. »
« Le statut de médicament de la TMF impose aux pharmaciens que la préparation soit réalisée sous la responsabilité du pharmacien d’une pharmacie à usage intérieur. »
« Aujourd’hui, une vingtaine de centres réalisent des TMF, précise le pharmacien. Ce n’est pas simple. Il faut des locaux et un équipement dédiés ainsi que des personnels formés. C’est une matière première potentiellement infectieuse. » Si l’établissement ne dispose pas de moyens techniques pour le faire, la préparation pour la TMF peut être sous-traitée à une autre PUI ou à un laboratoire de biologie médicale de l’établissement sous couvert d’une convention avec la PUI.
« Le statut de médicament de la TMF impose aux pharmaciens que la préparation soit réalisée sous la responsabilité du pharmacien d’une pharmacie à usage intérieur. »
Rui Batista
La préparation
Le pharmacien dilue les selles dans une solution isotonique de chlorure de sodium. « Dans la plupart des cas aujourd’hui, le don est congelé. Nous ajoutons, dans ces cas-là, un cryopréservateur, explique Nathalie Kapel. Nous travaillons à température ambiante sous un poste de sécurité microbiologique ou sous une hotte. Viennent ensuite les étapes d’homogénéisation et de filtration au travers d’une gaze stérile pour éliminer les gros débris. »
Cette « suspension » peut être conditionnée sous diverses formes - poches de nutrition entérale, poches à lavement, seringues - pour différents modes d’administration par sonde naso-duodénale, lavement ou au cours d’une coloscopie. « À la PUI de la Pitié-Salpêtrière, dans le cadre d’un protocole de recherche clinique, la préparation est conditionnée sous forme de gélules ». Ces formes peuvent être congelées et conservées jusqu’à ce qu’elles soient libérées pour être administrées à un receveur. Seuls seront conservés et libérés pour une administration les dons (et donc les donneurs) pour lesquels l’ensemble des résultats du bilan biologique est négatif.
La TMF, une pratique encadrée
En mars 2014, avec une actualisation en juin 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié ses premières recommandations dans le but d’encadrer la TMF dans le cadre des essais cliniques. « Seuls les cas d’infection récidivante à Clostridium difficile peuvent bénéficier de la TMF en soins courants, signale Nathalie Kapel. Tout le reste relève de la recherche. » Fin 2014, sous l’impulsion du Professeur Harry Sokol, le Groupe français de transplantation fécale (GFTF) a vu le jour, réunissant une cinquantaine de professionnels de santé. Ce dernier a produit des recommandations pour homogénéiser les pratiques en soins courants : dans quel cadre peut-on faire cette transplantation ? Quels sont les receveurs éligibles ? Quelles sont les procédures pour sélectionner le donneur ? Comment réaliser l’administration ?
Qu’est-ce qu’une infection à Clostridium difficile ?
Clostridium difficile est une bactérie responsable de 20 à 25 % des diarrhées associées à l’antibiothérapie, de 10 % des diarrhées associées aux soins et de quasiment tous les cas de colite pseudomembraneuse (source : Groupe français de transplantation fécale). C’est la première cause de diarrhée nosocomiale. Il s’agit d’affections récurrentes affectant de manière importante la qualité de vie des patients concernés.
Agenda
Le Groupe français de transplantation fécale a organisé la première Journée scientifique sur l’actualité de la transplantation fécale, le 16 juin dernier à l'Hôpital Cochin (Paris). Un rendez-vous ouvert à tous les professionnels de santé et aux chercheurs.
TMF : les recommandations en vigueur
La transplantation de microbiote fécal et son encadrement dans les essais cliniques, ANSM, mars 2014, actualisé en juin 2015.
Recommandations françaises pour la transplantation de microbiote fécal dans le cadre des infections à Clostridium difficile récidivantes, Groupe français de transplantation fécale (GFTF), in Hépato-gastro et Oncologie digestive, volume 22 n°4, avril 2015.
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