Pratiques innovantes
13/10/17
Le pharmacien, un acteur essentiel des RCP
Essentielles en oncologie, les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) permettent de réfléchir et de discuter les décisions thérapeutiques pour chaque patient. Dès lors, le pharmacien y a toute sa place, tant en raison de son rôle dans la préparation des chimiothérapies que de son expertise.
Pratiques innovantes
13/10/17
Le pharmacien, un acteur essentiel des RCP
Certaines activités du pharmacien hospitalier (analyse pharmaceutique des prescriptions et préparation des chimiothérapies, contribution à l’assurance qualité des préparations) sont à la fois bien identifiées et bien codifiées. En revanche, « l’implication effective des pharmaciens hospitaliers dans les différents processus cliniques qui accompagnent la préparation pharmaceutique des chimiothérapies est relativement méconnue », peut-on lire dans l’étude Impacto* portant sur « l’analyse descriptive des pratiques de pharmacie clinique en cancérologie ». Pourtant, le pharmacien est bien un « acteur incontournable du circuit d’analyse et de validation ». Or les réunions de concertation pluridisciplinaire sont parties intégrantes de ce circuit d’analyse et de validation.
Elles sont en effet l’occasion de passer en revue les dossiers des patients, indique encore l’étude Impacto. Elles offrent l’opportunité « de s’assurer de l’adéquation des décisions et des recommandations ainsi que de la concordance entre la proposition thérapeutique de la RCP et le traitement effectivement délivré », de vérifier la conformité des prescriptions, notamment concernant les autorisations de mise sur le marché et les indications sur les toxicités. La présence du pharmacien à ces réunions y est donc essentielle, d’autant plus qu’il lui incombe de relever les erreurs médicamenteuses et qu’il est en contact direct avec les prescripteurs. En outre, en participant aux RCP, le pharmacien peut – le cas échéant – intervenir en amont du processus décisionnel thérapeutique en attirant l’attention sur le mésusage, le non remboursement et recommander une modification de prescription.
Enfin, la participation aux RCP permet au pharmacien de comprendre la démarche médicale et de participer à la décision pluridisciplinaire de la prise en charge du patient. Ces réunions, qui font partie de la vie de l’établissement, permettent de créer du lien avec les équipes et une culture commune, voire des projets de recherche. Ces échanges permettent de recueillir de précieuses informations pour la préparation des chimiothérapies et d’anticiper les besoins en médicaments, notamment pour certains anticancéreux rares et peu utilisés. Cette anticipation peut donc entraîner une optimisation logistique et participer à une fluidification du parcours du patient. Cette participation des pharmaciens aux RCP d’oncologie est une relative spécificité française, peu documentée dans la littérature internationale.
Les RCP : regards croisés
À l’hôpital Saint-Louis, les RCP peuvent être hebdomadaires, bihebdomadaires ou mensuelles. Dans l’organisation, il y a une grande différence entre grands et petits centres. Notre centre compte 21 RCP. C’est beaucoup et, comme il nous est impossible de participer à toutes, il faut nécessairement faire un choix. Par exemple, si l’objet de la RCP est très chirurgical, la présence du pharmacien est moins indispensable. Afin d’optimiser le temps de chacun, il est donc possible de morceler le temps de réunion entre chirurgical et médical afin de permettre au plus grand nombre de participer même si cela diminue un peu la pluridisciplinarité de la concertation. Une autre possibilité pour optimiser l’efficacité des RCP peut être de recourir à la vidéo afin d’échanger avec d’autres centres, en province par exemple. Le rôle du pharmacien hospitalier, en tant qu’acteur de la pluridisciplinarité, est essentiellement de s’assurer du bon usage des produits, d’anticiper toute nouvelle prescription ou nouveau protocole et de faire un lien avec les unités de préparation et de reconstitution. Cela permet d’améliorer la coordination et de connaître les stratégies thérapeutiques de l’établissement. Néanmoins, il y a un impératif : pour que la présence du pharmacien soit bénéfique et qu’elle dégage un gain de temps, il faut que celui-ci connaisse extrêmement bien ses produits et leur bon usage, qu’il soit formé et préparé, qu’il soit proactif. C’est la raison pour laquelle il est préférable que ce soit un senior qui se rende aux RCP. Cela nécessite donc un investissement personnel du pharmacien en termes de formation. Néanmoins, la RCP reste un véritable axe de pharmacie clinique oncologique.
« Un véritable axe de pharmacie clinique oncologique »
Isabelle Madelaine, pharmacien hospitalier, service de pharmacie de l’Hôpital Saint-Louis, AP-HP
J’ai instauré la présence du pharmacien aux RCP de mon établissement, qui sont au nombre de 11. Comme nous ne pouvons pas assister à toutes ni envoyer n’importe qui, nous privilégions généralement celles d’hématologie et d’oncologie médicale, où nous pouvons apporter une valeur ajoutée. Cela est tellement institué dans notre établissement qu’il arrive que l’on appelle la pharmacie pour avis.
En cancérologie, la pharmacie est depuis toujours au centre des préparations et des protocoles. Du fait de notre expertise, des médecins nous sollicitent pour certains protocoles complexes et nous en faisons la lecture critique en RCP. Nous pouvons faire la balance bénéfice/risque et estimer le risque d’avoir ce genre de pratiques dans le centre notamment par rapport aux prescriptions et aux remboursements. Le pharmacien a une vraie crédibilité pour les nouveaux traitements. On peut également être sollicité pour des traitements validés hors AMM et qui doivent être validés au cas par cas (type de pathologie, âge, état de santé du patient etc.). Dans les RCP, nous, pharmaciens, rappelons nos confrères à l’ordre si une situation est « hors des clous ». Sur les dossiers compliqués, nous cherchons avec les médecins des solutions thérapeutiques, en fonction des protocoles, des toxicités etc. Les RCP sont avant tout un lieu d’échange où l’on peut régler les difficultés. Nous n’arrivons plus en fin de circuit, une fois que la décision thérapeutique est déjà prise mais au contraire nous assistons et participons à la prise de décision thérapeutique. Et cela peut être très utile notamment en cas d’inspection – qui sont très pointues. Enfin, d’un point de vue organisationnel, le fait d’avoir tout vu et tout organisé en amont pendant les réunions permet de gagner en fluidité et en temps au quotidien et d’éviter les blocages, les tensions ou les désaccords.
« En cancérologie, la pharmacie est au centre des préparations et des protocoles »
Jean-François Tournamille, pharmacien hospitalier, service de pharmacie du CHRU de Tours
Les RCP en chiffres
Sur les 107 centres qui ont répondu au questionnaire de l’étude Impacto*, ce sont les seniors qui participent en majorité aux RCP (46,3 % contre 41,3 % pour les juniors). De manière générale, la proportion de seniors ayant une influence aux RCP est plus importante que celle des juniors. Ainsi, 94,8 % des pharmaciens seniors (contre 90,9 % pour les juniors) déclarent anticiper les demandes de produits non disponibles mais susceptibles d’être prescrits ainsi que les ATU (autorisation temporaire d’utilisation) à prévoir dans la majorité des cas. Par ailleurs, 92,2 % des seniors interrogés attirent l’attention, lors des RCP, sur le faible niveau de preuve et le risque de non financement des prescriptions hors groupes 1 et 2. Parmi eux, 40,8 % considèrent que leur intervention relative à ce risque de non remboursement a conduit à une modification de prescription. Enfin, 43,1 % des seniors estiment que leur présence a conduit à une optimisation des prescriptions.
Définition : Selon la définition de la Haute Autorité de Santé (HAS), les réunions de concertation pluridisciplinaire permettent de regrouper « des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l’état de la science du moment ».
À savoir : Pour être jugée valable, une RCP à visée diagnostique ou thérapeutique doit se faire en présence d’au moins trois médecins de spécialités différentes afin de bénéficier d’un avis pertinent sur les procédures possibles. Par ailleurs, la présence du médecin traitant est sollicitée mais pas obligatoire.
*Etude impacto : analyse descriptive des pratiques de pharmacie clinique en cancérologie », Ann Pharm Fr, 2014 - LeGuen R, I. Madelaine, J-F Tournamille, A. Bellanger, A. Astier, D. Braguer, C. Ollivier, C. Bardin, F. Lemare, M. Daouphars, F. Pinguet, J-F. Latour, J. Vigneron, P. Tilleul
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