Pratiques innovantes
06/03/19
Ville-hôpital : le lien entre pharmaciens est également crucial
Permettre une meilleure prise en charge médicamenteuse des patients, tel est l’objectif commun des pharmaciens hospitaliers et des pharmaciens d’officine. Le partage d’informations entre les deux professions est donc essentiel lors de l’hospitalisation du patient et de sa sortie de l’établissement de soins. C’est le fameux sujet du lien ville-hôpital. Tous les acteurs souhaitent une évolution. Et les initiatives se multiplient.
Le décloisonnement entre la ville et l’hôpital passe nécessairement par un échange entre les médecins de ville et les praticiens hospitaliers. Mais ce ne sont pas les seuls professionnels de santé à être impliqués dans ce processus. Le rôle des pharmaciens hospitaliers et des pharmaciens d’officine est aussi important. En effet, la connaissance des traitements médicamenteux prescrits en ville et à l’hôpital est essentielle pour les deux professions afin d’assurer une meilleure prise en charge du patient. « Il faut trouver les moyens d’éviter le point de rupture lors du passage du patient entre la ville et l’hôpital, et inversement », résume Philippe Gaertner, président de la Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF).
« L’échange d’informations sur le patient, autour du patient et pour le patient est indispensable », remarque de son côté Edith Dufay, responsable de la pharmacie hospitalière du Centre hospitalier de Luneville (Meurthe-et-Moselle). Et ce partage de données ne peut s’effectuer qu’en s’appuyant sur le pharmacien d’officine et le pharmacien hospitalier.
Des attentes réciproques
Les attentes des deux professions sont donc axées sur la transmission d’informations. La première problématique concerne l’admission du patient dans l’établissement de soins. « Lorsqu’un patient arrive à l’hôpital qu’il s’agisse d’une admission programmée ou aux urgences, il ne réalise pas souvent que nous avons besoin de connaître ses traitements, explique Edith Dufay. En programmé, nous lui demandons ses ordonnances. Aux urgences, il peut être plus compliqué d’échanger avec le patient. Dans les deux cas, le pharmacien d’officine est la meilleure source d’informations pour nous expliquer les traitements prescrits par le médecin traitant, mais aussi par les médecins spécialistes. »
Selon Yvonnick Bézie, chef de service Pharmacie du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, les officinaux sont la principale source d’informations. Selon une étude menée dans son établissement, 86 % des informations sur les traitements médicamenteux proviennent des pharmaciens d’officine. Edith Dufay souligne aussi la connaissance qu’ont les pharmaciens en ville sur leurs patients, leur environnement, leur famille ou leurs aidants, leurs difficultés. « Ils suivent également le comportement des patients. Ils savent ainsi s’ils sont observants ou non, s’ils prennent seuls leurs médicaments ou si c’est leurs enfants qui les préparent, s’ils consomment des médicaments en automédication ou des thérapies alternatives, par exemple dans le cadre d’effets indésirables liés à la chimiothérapie », ajoute la pharmacienne hospitalière.
La deuxième problématique est la sortie de l’hôpital. Dans ce cas, c’est le pharmacien d’officine qui a besoin d’informations. Il doit ainsi connaître les traitements initiés à l’hôpital, ceux qui sont arrêtés ou suspendus. « La vraie difficulté pour l’officinal est de voir son patient, qui avait 12 médicaments, ressortir de l’hôpital avec 8 médicaments. Que sont devenus les 4 médicaments manquants ? S’agit-il d’un oubli ou est-ce délibéré ? », commente Yvonnick Bézie. « Généralement, nous nous adressons au pharmacien hospitalier qui est plus disponible que le praticien », observe à ce sujet Sophie Sergent, pharmacienne d’officine à Liévin et élue à l’Union régionale des professions de santé (URPS) des Hauts-de-France.
Des solutions à déployer
Face à ces problématiques, plusieurs réponses sont déjà mises en œuvre. Par exemple, des URPS de pharmaciens, de médecins et d’infirmiers en Ile-de-France notamment ont conçu une carte de coordination qui permet au patient de noter les coordonnées de son médecin traitant, de sa pharmacie, de son infirmier et de son kinésithérapeute. L’hôpital dispose ainsi de premières informations.
Au sein des établissements de soins, les pharmaciens hospitaliers pratiquent de plus en plus la conciliation médicamenteuse. Dans le groupe hospitalier Saint-Joseph, une anamnèse médicamenteuse est également menée par les praticiens et pharmaciens hospitaliers en amont de la conciliation médicamenteuse. « La conciliation médicamenteuse est une discipline hospitalière dont le pendant en officine est le bilan partagé de médication », observe Philippe Gaertner.
Pour la sortie hospitalière, une liste exhaustive des médicaments à poursuivre peut être réalisée. « L’ordonnance exhaustive finale aboutit à un courrier où nous expliquons pourquoi tel traitement est arrêté et pourquoi tel autre est initié », précise Yvonnick Bézie. Le groupe hospitalier Saint-Joseph a également créé une « cellule de sortie » afin de suivre les patients à J+2 après leur sortie. Le Centre hospitalier de Lunéville met en place un parcours, « MEDISIS », avec les pharmaciens d’officine qui réaliseront avec les patients ayant été hospitalisés, trois séances en un mois maximum d’accompagnement thérapeutique.
Des outils partagés
Les liens entre pharmaciens d’officine et pharmaciens hospitaliers se tissent de plus en plus fortement. Pour autant, des difficultés demeurent. La première est de pouvoir disposer d’outils informatiques partagés afin d’échanger les informations. Le Dossier pharmaceutique, développé par l’Ordre des pharmaciens, est devenu, avec son accès ouvert aux hospitaliers, un outil commun. Les professionnels de santé misent aussi beaucoup sur le déploiement du Dossier médical partagé (DMP).
Mais l’hétérogénéité des systèmes d’information au sein des hôpitaux et des logiciels métiers des libéraux, et par conséquent les problèmes d’interopérabilité, constituent encore un frein. La deuxième limite à l’heure actuelle est la capacité des établissements de soins à préparer la sortie du patient afin de contacter l’officine en amont. « Les médicaments prescrits à l’hôpital, en particulier les produits innovants, ne sont pas toujours stockés par les officines et donc disponibles », relève Philippe Gaertner. Enfin, l’échange d’informations ne suffit pas. « La continuité des messages fournis au patient entre l’hôpital et la ville est essentielle », affirme Edith Dufay.
Le dialogue entre pharmaciens d’officine et pharmaciens hospitaliers doit donc se développer à l’instar de la coordination entre professionnels de santé. « Les communautés professionnelles territoriales de santé, qui peuvent inclure l’hôpital, peuvent permettre de mettre en œuvre une logique d’organisation territoriale et des parcours de soins coordonnés », estime Philippe Gaertner.
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