Scientifique
20/12/17
Thérapie ciblée : Inhibiteurs de tyrosine kinase et adaptation de posologie
À la différence des chimiothérapies conventionnelles, les inhibiteurs de tyrosine kinase sont des molécules qui ciblent plus particulièrement les tissus tumoraux. D’où leur intérêt en oncothérapie. Mais ils ne sont néanmoins pas dénués d’effets secondaires et de non efficacité, ce qui nécessite une adaptation de leur posologie pour obtenir le meilleur bénéfice chez le patient.
Scientifique
20/12/17
Thérapie ciblée : Inhibiteurs de tyrosine kinase et adaptation de posologie
La tyrosine kinase et son rôle dans le processus tumoral
La tyrosine kinase (TK) est une enzyme qui permet le transfert d’un groupement phosphate issu de l’adénosine tri-phosphate (ATP) vers une protéine effectrice impliquée dans de nombreux processus de régulation cellulaire. L’activation de cette tyrosine kinase permet notamment, dans le processus tumoral, d’induire la prolifération et la croissance cellulaire et au contraire de bloquer l’apoptose (la mort cellulaire), conduisant ainsi à une prolifération exponentielle des cellules de la tumeur. Cette même TK semble également impliquée dans les processus de développement d’anomalies génétiques (= mutations), fréquents dans la cancérogénèse. D’où l’intérêt de développer des inhibiteurs de tyrosine kinases (ITK) pour bloquer l’activité de ces TK.
Intérêts thérapeutiques
« Les molécules délivrées en chimiothérapie agissent de manière non spécifique sur les cellules à division rapide, qu’elles soient issues de tissus normaux ou tumoraux. Les inhibiteurs de tyrosine kinases (= ITK) sont - au contraire - des molécules agissant plus spécifiquement sur les cellules tumorales car elles ciblent leurs récepteurs intra-cellulaires ainsi que ceux des cellules endothéliales vasculaires (celles qui permettent notamment la formation de néo-vaisseaux irriguant la tumeur, ndlr) : c’est pourquoi on dit que les inhibiteurs de tyrosine kinase font partie des thérapies ciblées en oncologie » résume Etienne Chatelut, professeur de pharmacologie à l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse (Oncopole). On les utilise généralement en association avec la chimiothérapie conventionnelle pour un effet synergique du traitement.
Mode d’action
Ces ITK se fixent de manière compétitive sur les sites de liaison à l’ATP, bloquant ainsi la transduction du signal : la prolifération cellulaire ne peut alors plus se faire et la régulation du processus tumoral se met en place.
Principales cibles thérapeutiques
Les ITK ciblent spécifiquement différents types de TK parmi lesquelles :
- Les TK Bcr-Abl que l’on retrouve dans certaines leucémies (leucémie myéloïdes chroniques et leucémies aigues lymphoblastiques)
- Les TK des récepteurs à l’Human Epidermal growth factor (HEGFR) que l’on retrouve dans de nombreux cancers notamment du sein, des poumons, des ovaires et des reins, du colon, ORL…
- Les TK des récepteurs vascular endothelial growth factor (VEGFR) qui agissent sur l’angiogenèse
- Les TK du Platelet-derived growth factor receptor (PDGFR) qui est impliqué dans la croissance, la différenciation et la prolifération cellulaire
À noter : Certains ITK sont capables de jouer sur différents tableaux (multi-cibles) permettant ainsi de bloquer différentes voies du processus d’oncogenèse (bloquant par exemple la voie liée aux récepteurs HEGFR ou VEGFR).
Intérêt d’une adaptation de posologie
- Ces ITK sont prescrits en prise quotidienne orale avec des posologies dépendant du poids du patient, des autres traitements en cours ou encore du stade de développement de la maladie (stade blastique ou phase accélérée). Du point de vue pharmacocinétique, leur biodisponibilité est très variable, pouvant nécessiter également une adaptation de posologie pour une optimisation des doses utiles.
- Chez les patients à qui l’on administre ce type de traitements, on peut réaliser un suivi thérapeutique pharmacologique ou therapeutic drug monitoring (TDM) : celui-ci s’opère par simple prélèvement sanguin et mesure de la concentration plasmatique de tel ou tel ITK. « L’intérêt est de surveiller les patients et de voir comment ils répondent au traitement administré. Chez un patient à qui l’on prescrit une dose conventionnelle d’ITK et qui réagit en faisant de l’hypertension artérielle, pour lequel on observe une toxicité hépatique et cutanée, on peut se poser la question du métabolisme de la molécule et de la sensibilité de ce patient au traitement. À l’inverse, si l’on n’observe pas d’effet indésirable chez un autre patient, on est en droit de se poser la question de savoir si ce patient n’élimine pas trop le médicament, lequel se révèle alors inefficace », indique le Pr Chatelut.
- Ce TDM permet en quelque sorte d’avoir un monitoring du traitement et d’ajuster sa posologie afin d’optimiser ses effets sur le patient. Cela permet une efficacité thérapeutique maximale tout en minimisant ses effets indésirables.
Dans certains cas, ce TDM permet aussi d’observer des cas de résistance au traitement. « Lorsque l’on prescrit un ITK à un patient et que l’on n’obtient pas de résultats probants du point de vue thérapeutique, on peut se poser la question de l’efficacité du traitement et éventuellement être amené à changer le traitement » décrit le Pr Chatelut. Enfin, ce TDM permet de s’assurer de l’observance du traitement puisqu’il s’agit d’une prise orale quotidienne effectuée par le patient.
Il existe aujourd’hui près d’une vingtaine de thérapies ciblées (via ITK) prescrites en France pour différents types de cancers tel que celui du sein, de l’estomac, du côlon, du poumon, les leucémies myéloïdes chroniques, les leucémies aiguës lymphoblastiques ou encore les tumeurs stromales gastro-intestinales. Les chercheurs estiment que 20 à 30 % des tumeurs solides présentent une anomalie permettant d’envisager un traitement avec une thérapie de ce type (données institut Curie, 2012)
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