Daniel S. Chen, M.D., Ph.D.
Responsable mondial du développement Genentech
Les médicaments d’immuno-oncologie sont conçus pour exploiter la capacité du système immunitaire à s’adapter, mémoriser et évoluer à mesure que la maladie se transforme. Le système immunitaire est une arme puissante et l’objectif de cette classe de médicaments est d’obtenir une réponse de longue durée aux traitements.
Décoder le camouflage cellulaire
Les cellules cancéreuses utilisent ce que nous appelons un « camouflage cellulaire » pour faire croire au système immunitaire qu’elles sont normales. Il existe de nombreux moyens de mettre un terme à cette esquive, et nous y travaillons en permanence. Aujourd’hui, plus de 20 cibles potentielles immuno-oncologiques font l’objet de recherches dans nos laboratoires et dans les études cliniques que nous mettons en place.
Chaque type de cancer est susceptible de provoquer une réponse immunitaire différente. Il est bien connu, par exemple, que le cancer du rein peut répondre à des médicaments qui modifient la réponse immunitaire de l’organisme. Dans nos laboratoires, nous analysons avec soin ce type d’indices pour élargir les utilisations potentielles de nos traitements d’immuno-oncologie.
Aujourd’hui, nous savons que la relation entre le cancer et le système immunitaire est très complexe. Si les cellules cancéreuses peuvent se dissimuler et empêcher le système immunitaire de les attaquer, il est également possible que le système immunitaire, lorsqu’il les identifie, ne soit pas capable de les détruire.
Pour certains types de cancers, il apparaît donc nécessaire d’agir simultanément sur plusieurs fronts : démasquer le camouflage mis en place par le cancer, mais également desserrer le frein et appuyer sur l’accélérateur de notre système immunitaire.
Un autre aspect délicat concernant le cancer est qu’il exploite souvent les mécanismes d’auto-protection de notre système immunitaire pour se protéger lui-même. Nous devons faire attention à ne pas supprimer tous les points de contrôle normaux de notre activité immunitaire, car cela pourrait conduire le système immunitaire à attaquer nos propres cellules saines.
Pour chaque cible, nous devons faire attention à ne pas diriger involontairement le système immunitaire contre les tissus sains (ce que l’on appelle l’auto-immunité).
Une conception plus intelligente
Les traitements d’immuno-oncologie peuvent être de natures très différentes, à base de petites molécules, de cellules ou encore d’anticorps thérapeutiques. Cette dernière catégorie représente des défis particuliers dans la conception des anticorps, qui doivent être capables de stimuler une réponse immunitaire efficace, sans toutefois déclencher d’activité immunitaire potentiellement nuisible. Il s’agit d’un casse-tête intéressant, que nous appelons le paradoxe de la
« cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps » (ADCC).
L’ADCC est un moyen technique de décrire la façon dont les médicaments à base d’anticorps se fixent sur les cellules cancéreuses et recrutent le système immunitaire pour détruire ces cellules. Certains anticorps thérapeutiques contre le cancer sont conçus pour exercer une activité ADCC accrue, afin d’amplifier leur activité immunitaire contre les cellules cancéreuses. Cette approche peut avoir du sens pour les cibles moléculaires qui se trouvent uniquement sur les cellules cancéreuses. Mais qu’en est-il des cibles susceptibles d’être présentes sur les cellules normales, ne serait-ce qu’en très faibles quantités ? Dans ce cas, l’action de l’anticorps thérapeutique risquerait d’entraîner l’auto-activation de notre système immunitaire contre nos cellules saines.
Afin d’éviter ce risque, nous avons conçu certains de nos anticorps immuno-oncologiques avec l’objectif de réduire leur capacité à détruire les cellules cancéreuses par l’ADCC.
Des anticorps élaborés et des conjugués anticorps-cytokine peuvent être conçus pour agir comme des « balises » pour signaler une tumeur à détruire par le système immunitaire.
Personnaliser
L’une des théories concernant les traitements immuno-oncologiques suppose qu’ils pourraient fonctionner pour tous les patients, quel que soit le type de cancer. Jusqu’à présent, les données indiquent que cela n’est malheureusement pas le cas. Même si chacun a un système immunitaire, tous les patients ne répondent pas à un traitement de la même manière.
Chez Roche/Genentech, notre programme d’immuno-oncologie consacre une part importante à la question des biomarqueurs et du diagnostic, avec l’objectif de pouvoir identifier les personnes les plus susceptibles d’obtenir un bénéfice important.
Qu’en est-il des patients qui répondent au traitement, mais pas suffisamment bien ? Ces patients présentant une réponse faible à modérée sont de bons candidats pour être inclus dans des études d’associations. En effet, il est possible que certains traitements d’immuno-oncologie soient plus efficaces lorsqu’ils sont combinés avec d’autres types de médicaments, notamment des chimiothérapies, des thérapies ciblées, ou encore d’autres traitements immuno-oncologiques.
Les biomarqueurs vont donc nous permettre d’identifier les personnes qui répondront ou ne répondront pas aux traitements immuno-oncologiques. Ils vont également contribuer à guider les stratégies de traitement impliquant un ou plusieurs médicaments.
Apprendre du passé
Les traitements d’immuno-oncologie soulèvent un grand enthousiasme, et c’est compréhensible. Cependant, notre optimisme doit rester raisonnable – une seule catégorie de médicaments ne permettra pas de traiter tous les cancers.
D’une certaine manière, cette situation est similaire à celle du ciblage de l’angiogenèse tumorale. Près de 15 ans après que les premières données de notre programme sur l’angiogenèse ont été présentées à l’ASCO, nous continuons à découvrir et à apprendre comment ces médicaments devraient et pourraient être utilisés. Nous devons approcher les traitements immuno-oncologiques de la même manière – avec une implacable rigueur scientifique.
Dans le même temps, les progrès scientifiques avancent à un rythme plus rapide que jamais, et nous permettent désormais de personnaliser les approches thérapeutiques dès les premières étapes de leur développement clinique. Nous pouvons ainsi mettre en place des essais d’association et ouvrir la voie vers une approbation réglementaire bien plus rapide.
En décryptant les indices laissés par la nature, il se peut que nous soyons plus proches que jamais de la vision de William Coley concernant l’immuno-oncologie. Pour y arriver, nous devons continuer à nous appuyer sur nos connaissances, utiliser les bons outils et nous poser les bonnes questions.
Commencez dès aujourd’hui à voir différemment l’immuno-oncologie :
D-16/0585 - Établi le 06/01/017